Roman Calendar

samedi 27 décembre 2008

J'ai enfin lu Syngué Sabour, Pierre de patience,

un petit grand livre plein de rage, poétique, cru, violent et pourtant tendre et intimiste, lent et cadencé et cette pierre de patience, quelle belle image ! Pour cette femme afghane, cette pierre est son mari, mais pour cela il faut qu'il soit réduit à l'état de plante verte, une balle dans la nuque, à la merci de son épouse...
"Le grincement hésitant d'une porte qui s'ouvre, le bruit des pas prudents qui s'avancent dans le couloir, ne brisent pas ce silence de mort ; ils le soulignent.
Les pas s'arrêtent derrière la porte. Après une longue pause - quatre souffles de l'homme -, la porte s'ouvre. C'est la femme. Elle entre. Son regard ne se pose pas immédiatement sur lui, elle explore d'abord l'état de la pièce : les débris de vitres, la suie qui s'est déposée sur les oiseaux migrateurs des rideaux, sur les rayures éteintes du kilim, sur le Coran laissé ouvert, sur la poche de perfusion qui se vide de ses dernières gouttes sucrées-salées... Ensuite il balaye le drap couvrant les jambes cadavériques de l'homme, effleure sa barbe et finit par atteindre ses yeux.
" (p. 47)
Je regrette pourtant qu'elle explose si vite, cette pierre, il me semble que la patience n'était pas épuisée, la patience de la patiente, la passion de la patiente, il me semble aussi que cette pierre de patience n'a pas fini de jouer son rôle, la libération reste incertaine, compromise même sans doute et ça me laisse une drôle d'impression. Je crois d'ailleurs qu'il va falloir que je relise, je n'ai pas tout compris à la fin du roman.
Mais pourquoi discourir quand l'auteur, Atiq Rahimi lui-même en parle si bien ? Ça me donne envie de lire Terre et Cendres, autre roman du même auteur qui n'a pas eu besoin du Goncourt pour se distinguer, me dit-on mais... pourvu qu'on m'en laisse le temps.
Voici les premières pages sur le site de l'éditeur.

mardi 16 décembre 2008

trop de salade !

Conversation (sur le pas de la porte, avec bonhomie)

Comment ça va sur la terre ?
- Ça va ça va, ça va bien.

Les petits chiens sont-ils prospères ?
- Mon Dieu oui merci bien.

Et les nuages ?
- Ça flotte.

Et les volcans ?
- Ça mijote.

Et les fleuves ?
- Ça s'écoule.

Et le temps
- Ça se déroule.

Et votre âme ?
- Elle est malade
Le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade.

Jean Tardieu ("Monsieur Monsieur")

dimanche 14 décembre 2008

Qu'on me laisse le temps d'en rire

Qu'on me laisse à mes souvenirs,
Qu'on me laisse à mes amours mortes,
Il est temps de fermer la porte,
Il se fait temps d'aller dormir
Je n'étais pas toujours bien mise
J'avais les cheveux dans les yeux
Mais c'est ainsi qu'il m'avait prise,
Je crois bien qu'il m'aimait un peu

Il pleut
Sur le jardin, sur le rivage
Et si j'ai de l'eau dans les yeux
C'est qu'il me pleut
Sur le visage.

Le vent du Nord qui s'amoncelle
S'amuse seul dans mes cheveux
Je n'étais pas toujours bien belle,
Mais je crois qu'il m'aimait un peu
Ma robe a toujours ses reprises
Et j'ai toujours les cheveux fous
Mais c'est ainsi qu'il m'avait prise,
Je crois que je l'aimais beaucoup

Il pleut
Sur le jardin, sur le rivage
Et si j'ai de l'eau dans les yeux
C'est qu'il me pleut
Sur le visage.

Si j'ai fondu tant de chandelles
Depuis le temps qu'on ne s'est vus
Et si je lui reste fidèle,
A quoi me sert tant de vertu?
Qu'on me laisse à mes amours mortes!
Qu'on me laisse à mes souvenirs
Mais avant de fermer la porte,
Qu'on me laisse le temps d'en rire.
Le temps d'essayer d'en sourire

Qu'on me laisse le temps d'en rire