Roman Calendar

mercredi 20 mai 2009

J'ai tant de souvenirs...

que ma mémoire s'efface mais sans laisser de place, Dieu merci, au profond spleen de ce cher Baudelaire qui pourtant me fascine tout autant qu'il m'effraie...
Laissons-nous griser par la valse du temps que Camille Claudel a si merveilleusement recréée et puis écoutons-le gémir :

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,

De vers, de billets doux, de procès, de romances, Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau. C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.

— Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées, Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,

Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.

— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,

Assoupi dans le fond d’un Saharah brumeux ;

Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,

Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche

Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.