Ce regard bleu était celui du petit Louis, né en 1917, de dix ans plus jeune que son unique soeur, Jeannie.
Ce regard bleu était celui de l'écolier contraint et forcé de parler le français à l'école et de lire le breton au catéchisme, deux injonctions impérieuses qui l'ont longtemps marqué.
Plus tard, vers 14 ans, ce fut le temps du travail, d'abord aux minoteries avant la reprise de l'exploitation familiale qu'il a toujours conservée, fidèle à la promesse qu'il avait faite à sa mère.
Ce regard bleu était aussi celui d'un homme qui en son temps, aimait la musique et qui longtemps, a aimé valser.
Et puis surtout,c'était son regard de petit agriculteur breton, travailleur, entêté, entreprenant, attaché au travail collectif avec ses voisins et amis de toujours avec lesquels il partageait aussi les moments de détente, la messe et l'après-messe puis la pétanque, les dominos.
Et surtout, c'était le regard tantôt triste, tantôt tempétueux, tantôt rieur d'un époux, d'un père, d'un pépé qui restera ancré dans nos cœurs.
Et puis, peu après l'angélus du soir, il a baissé la garde et refermé ses yeux.
Ce matin d'avril, le jour s'est à nouveau levé sur la campagne vallonnée de La Roche Maurice mais il était tout embrumé, petit matin mouillé sans son regard bleu.
